Face à la pression croissante des députés français, quatre députés supplémentaires s’inquiètent de la violation des droits humains par le Bahreïn

Quatre députés français ont attiré l’attention du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, sur la détérioration de la situation des droits humains à Bahreïn. Au cours des derniers mois, les députés français ont exercé une pression croissante pour encourager le gouvernement français à s’élever contre les violations continues des droits humains à Bahreïn. Cette pression constitue une étape positive vers une prise de conscience accrue, tant au niveau national qu’international, rendant plus probable une action plus décisive des gouvernements étrangers contre Bahreïn. Les quatre députés qui ont attiré l’attention sur cette situation sont : M. Gérard Leseul, M. Jean-Chistophe Lagarde, Mme Isabelle Rauch et M. Dominique Potier.

  1. Gérard Leseul est membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et membre du parti socialiste. Dans son intervention, M. Leseul a attiré l’attention du ministre des affaires étrangères sur le respect des droits humains à Bahreïn et, plus particulièrement, sur la détention d’opposants politiques. M. Leseul a fait référence aux violations des droits humains de plus en plus extrêmes du régime suite à la répression violente du Printemps arabe de 2011, et aux représailles continues auxquelles sont confrontés ceux qui dénoncent ces violations. M. Leseul a fait directement référence au cas de Kameel Juma Hasan, le fils de 17 ans de l’ancienne prisonnière Najah Ahmed Yusuf, qui ont tous deux subi des représailles pour avoir refusé de devenir des informateurs auprès du Service de sécurité de l’État. Des dizaines de personnalités civiles, politiques et religieuses chiites sont toujours en détention, dont beaucoup depuis 2011 pour leur participation au mouvement pro-démocratique. M. Leseul a aussi fait nommément référence à Ali Salman, leader du plus grand mouvement politique légal de Bahreïn entre 2006 et 2011, qui purge toujours une peine de prison à vie prononcée en 2018 sur la base d’accusations forgées de toutes pièces d’« espionnage » pour le Qatar. Le cas du Dr Abduljalil Al-Singace a également été mis en avant car il fait partie des 13 militants de l’opposition arrêtés puis condamnés par un tribunal militaire en 2011. Selon la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn, le Dr Al-Singace a été soumis à des tortures brutales et à des traitements dégradants, traitement contre lequel il a entamé une grève de la faim en signe de protestation le 8 juillet 2021. Le Dr Al-Singace souffre de plusieurs maladies chroniques, dont le syndrome post-polio et une affection ostéo-articulaire et musculaire. La communauté internationale n’a cessé de demander sa libération immédiate et inconditionnelle, notamment les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme, les principales organisations internationales de défense des droits humains et les législateurs américains, britanniques et européens. M. Leseul a également évoqué le refus continu d’accès au territoire bahreïni pour les observateurs des droits humains, avec une référence spécifique aux refus d’Amnesty International, de Human Rights Watch et des organes des droits humains de l’ONU en 2020. Des commentaires ont également été faits sur l’implication de Bahreïn dans la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite dans le conflit armé au Yémen, en particulier compte tenu de la prévalence de la situation humanitaire au Yémen sur l’ordre du jour actuel du Conseil des droits de l’homme. Compte tenu de ce qui précède, M. Leseul a interrogé le ministre des Affaires étrangères sur la position de la France face à ces différentes violations des droits humains et sur l’existence d’actions diplomatiques en cours pour inciter le pays à respecter les droits humains fondamentaux.

  1. Jean-Christophe Lagarde est le Président de l’Union des Démocrates et Indépendants et membre de la Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées. Dans sa déclaration, M. Lagarde a approfondi ses préoccupations concernant la répression de la liberté d’expression et les violations des droits humains à Bahreïn. M. Lagarde a fait référence à plusieurs personnalités politiques, associatives et religieuses qui ont ouvertement critiqué ces violations et ont été condamnées à la prison. Les conditions de détention sont particulièrement préoccupantes pour M. Lagarde, qui a évoqué l’insuffisance des installations sanitaires, les mauvais traitements et les actes de torture, ainsi que l’épidémie de gale qui s’est déclarée dans la prison de Jau, entraînant une nouvelle détérioration des conditions de détention. M. Lagarde a également évoqué l’absence d’équipements de protection fournis aux détenus pendant la pandémie, malgré l’infection du personnel pénitentiaire et des détenus. Le recours à la peine de mort à la suite de procès manifestement inéquitables a également été mentionné comme un sujet de préoccupation, en plus de la situation des travailleurs étrangers et du trafic sexuel dans le Royaume. Au vu de ces éléments, M. Lagarde a demandé au ministre des Affaires étrangères quelles étaient les mesures prises par la France à l’échelle internationale pour que ces violations cessent et que les droits humains soient respectés dans le pays.

Mme Isabelle Rauch est membre de l’Assemblée nationale française et représente le parti La République En Marche. Mme Rauch a également alerté le ministre des Affaires étrangères sur les violations des droits humains à Bahreïn, notamment la privation arbitraire des droits civils des dirigeants de l’opposition, des journalistes et des syndicalistes. Mme Rauch a également fait explicitement référence au cas du défenseur des droits de l’homme, le Dr Abduljalil Al-Singace, ainsi que du leader de l’opposition politique, M. Hasan Mushaima. Compte tenu de la dénonciation de ces situations par plusieurs organisations de défense des droits humains, Mme Rauch a demandé au ministre des Affaires étrangères quelles mesures diplomatiques la France pouvait prendre pour remédier à cette atteinte aux libertés fondamentales et pour s’assurer que Bahreïn respecte ses engagements internationaux.

Enfin, M. Dominique Potier est membre de la commission des affaires économiques et membre du parti socialiste. M. Potier a également attiré l’attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les cas de violation des droits humains à l’encontre des prisonniers politiques à Bahreïn. Le 25 mars 2020, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a exprimé sa vive inquiétude concernant la surpopulation carcérale dans le monde et a recommandé la libération du plus grand nombre possible de prisonniers comme mesure décisive pour enrayer et limiter la propagation du virus COVID-19. Cette alerte était particulièrement pertinente pour le Bahreïn, dont la surpopulation carcérale et l’absence de mesures sanitaires appropriées pour contrôler la maladie, ont conduit à une propagation importante du virus au début de l’année 2021. M. Potier a évoqué les mises en garde de la société civile en avril 2021 quant aux conditions de détention pendant la pandémie, qui ont été ignorées par les autorités bahreïnies. Ces tentatives de dissimuler la gravité de la pandémie dans les prisons ont déclenché des manifestations à travers le Bahreïn appelant à la libération des prisonniers politiques, qui ont été violemment réprimées par les autorités. M. Potier a également évoqué les mauvais traitements et la torture des prisonniers d’opinion, ainsi que la résolution du Parlement européen adoptée le 11 mars 2021 concernant les prisonniers condamnés à mort et les défenseurs des droits humains. Comme ses collègues, M. Potier a également fait explicitement référence aux cas de M. Hasan Mushaima et des mauvais traitements infligés au Dr Abduljalil Al-Singace, qui mènent une nouvelle phase de mobilisation. Face à ces violations, M. Potier a demandé au ministre des Affaires étrangères ce que fait la France pour obtenir la libération des prisonniers politiques qui purgent des peines jugées excessives par les Nations Unies, pour condamner les actes de torture et pour faire respecter les droits humains dans les prisons bahreïnies.

Ces appels témoignent d’une tendance à la prise de conscience en France des violations des droits humains à Bahreïn. En août 2021, des préoccupations ont été soulevées par quatre autres députés français, Sandra Marsaud et Éric Giardin, ainsi que Xavier Paluszkiewicz et la députée guadeloupéenne Justine Benin. M. Paluszkiewicz et Mme Benin ont tous deux fait spécifiquement référence aux cas de Hasan Mushaima et du docteur Abduljalil Al-Singace.

Le gouvernement français a été interpellé à plusieurs reprises pour son manque d’action en ce qui concerne les violations des droits humains à Bahreïn, huit députés ayant désormais élevé leurs critiques à l’encontre de la répression des droits civils et politiques dans le royaume. Ce changement significatif parmi les politiciens français indique un pas dans la bonne direction pour les relations étrangères du pays avec le Bahreïn, dans ce qui pourrait faire partie d’un mouvement plus large de dénonciation des gouvernements qui ne respectent pas leurs obligations internationales.

La communauté internationale est en état d’alerte lorsqu’il s’agit de problèmes à Bahreïn, après les récentes observations du HCDH et d’autres groupes de défense des droits humains condamnant les attaques continues contre la liberté d’expression. Malgré la pression internationale croissante, les forces de sécurité bahreïnies ont continué à détenir et à maltraiter régulièrement les détracteurs du gouvernement, les journalistes, les militants et les chefs religieux, les soumettant à la brutalité policière, à de longues peines de prison et à une dénaturalisation arbitraire. En conséquence, le gouvernement détient actuellement environ 4 000 prisonniers politiques et continue d’incarcérer des personnes pour des motifs liés uniquement à la liberté d’expression, de réunion et d’association.

La pression croissante exercée sur le ministre français des Affaires étrangères est le signe d’un changement très net de rhétorique parmi les députés français et d’une demande croissante de changement en ce qui concerne les relations du pays avec Bahreïn. Il faut espérer que les appels répétés des députés français inciteront le ministre des Affaires étrangères à prendre des mesures concrètes contre les violations systématiques des libertés fondamentales par Bahreïn, et inciteront d’autres pays de la région à prendre des mesures similaires.