HRC46 Déclaration écrite : La détention continue des défenseuses des droits des femmes en Arabie saoudite.

Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB) a soumis une déclaration écrite au Conseil des droits de l’homme lors de sa 46ème session concernant la détention continue des défenseuses des droits des femmes en Arabie Saoudite. Continuez la lecture ci-dessous pour le texte complet de la déclaration, ou cliquez ici pour la déclaration en PDF.

Détention continue des défenseurs des droits des femmes en Arabie saoudite

Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB) se réjouit de l’occasion qui lui est donnée, lors de la 46e session du Conseil des droits de l’homme (CDH) des Nations unies (ONU), d’attirer l’attention sur l’emprisonnement continu de militantes des droits des femmes en Arabie saoudite.

Depuis 2018, le gouvernement saoudien a ciblé d’éminents défenseuses des droits des femmes en les emprisonnant et en les torturant, et plusieurs d’entre elles sont toujours incarcérées.

La situation des droits des femmes en Arabie saoudite et la réduction au silence de la dissidence

L’Arabie saoudite abrite le système de tutelle, qui crée des lois formelles et informelles dans le but principal de contrôler et de limiter l’indépendance des femmes vis-à-vis de leurs parents masculins. Ce système se manifeste dans la vie quotidienne des femmes par une interdiction de prendre, de manière indépendante, toute une série de décisions sans l ‘obtention au préalable d’une autorisation de leur tuteur masculin – qu’il s’agisse de leur mari, de leur frère, de leur fils ou d’un autre parent masculin.

Jusqu’en juin 2018, ces restrictions s’étendaient également à la capacité des femmes à conduire. Bien que certains ont célébré la levée de l’interdiction de conduire en Arabie saoudite comme une étape positive vers une plus grande égalité des sexes dans le pays, plusieurs événements indiquent que ce n’est pas le cas. Avant de lever officiellement l’interdiction, les autorités ont averti de nombreuses militantes des droits des femmes de s’abstenir de faire des déclarations publiques concernant ce changement de politique. Depuis lors, le gouvernement a arrêté plusieurs défenseuses des droits des femmes de premier plan, sans ou sur la base de fausses accusations.

Défenseuses des droits des femmes détenues

De nombreux défenseuses des droits des femmes ont été incarcérées par des représentants du gouvernement saoudien avant ou peu après la levée de l’interdiction de conduire en 2018. Il s’agit notamment de Loujain al Hathloul, Aziza al Yousef, Nouf Abdelaziz, Samar Badawi et Nassima al Saada. En mars et avril 2019, près d’un an après leur arrestation initiale, plusieurs de ces femmes ont été traduites en justice –  notamment sur des accusations de violation de la  loi vague du pays concernant la cybercriminalité. Certaines d’entre elles ont été temporairement libérées mais restent en procès. Samar Badawi et Nassima al Saadda sont toujours en détention. Loujain al-Hathloul a été condamné à cinq ans de prison par le tribunal pénal spécialisé – un tribunal établi pour traiter des affaires liées au terrorisme – en décembre 2020.

Les inquiétudes se sont également accrues concernant le bien-être des défenseuses des droits des femmes encore incarcérées, car le COVID-19 n’a pas été maîtrisé en Arabie saoudite. Le secret entourant le bien-être et l’état de santé de ces femmes a causé beaucoup d’angoisse à leurs familles, qui s’inquiètent de l’épidémie du virus dans les conditions insalubres des prisons saoudiennes. L’incapacité avérée des autorités pénitentiaires à fournir des soins médicaux de base aux détenues qui tombent malades est particulièrement préoccupante. Cela a été démontré en avril lorsque le militant pro-démocratie Abdullah al-Hamid est mort en prison après s’être vu refuser un traitement vital pour son problème cardiaque de longue date. Le maintien en détention de ces femmes est d’autant plus préoccupant que l’Arabie saoudite a déjà libéré des milliers de détenus afin de limiter la propagation du coronavirus dans des prisons surpeuplées, avec un accès limité aux installations sanitaires.

Le ciblage de Samar Badawi et Loujain al-Hathloul

Samar Badawi a été arrêtée par des agents du gouvernement saoudien en juillet 2018 mais n’a pas été renvoyée devant un tribunal avec la majorité des défenseuses des droits des femmes emprisonnées, dont les procès ont commencé en mars 2019 et qui ont été temporairement libérés. Pendant les procès, le gouvernement saoudien a classé ces femmes comme « agents étrangers » en raison de leurs communications présumées avec des diplomates étrangers, des militants saoudiens des droits humains vivant à l’étranger, des journalistes internationaux, et des organisations internationales de défense des droits humains.

Elles sont également accusées d’avoir enfreint la vague loi  nationale sur la cybercriminalité qui interdit la production ou le stockage, via un réseau d’information, de matériel susceptible de porter atteinte à l’ordre public, aux valeurs religieuses, au caractère sacré de la vie privée et à la moralité publique. Les autorités saoudiennes ont utilisé cette loi pour emprisonner des militants et des défenseurs des droits humains qui critiquent  les abus du gouvernement en ligne.

Badawi est une ardente défenseuse des droits des femmes depuis 2010, année où elle a intenté un procès contre le gouvernement pour contester le système de tutelle du pays. Son activisme infatigable et son courage ont fait d’elle une figure de premier plan dans la lutte pour les droits des femmes en Arabie saoudite. Lors de la 27e session du CDH en septembre 2014, Badawi a participé à un panel sur les droits des femmes en Arabie saoudite et a fait une intervention orale devant le Conseil. Badawi s’est focalisée sur les violations des droits humains dans le pays, et a appelé à la libération de tous les prisonniers politiques.

En décembre 2014, Badawi devait se rendre à Bruxelles pour participer au 16e Forum des droits humains entre l’Union européenne et les organisations non gouvernementales, mais elle a été interdite de voyage et n’a depuis lors pas pu quitter l’Arabie saoudite. En 2016, Badawi et sa fille ont été placées en détention pour avoir protesté contre les restrictions gouvernementales concernant l’accès des femmes aux soins de santé et aux voyages. En 2017, elle a de nouveau été harcelée par les autorités, qui l’ont convoquée pour un interrogatoire sans motif et l’ont détenue temporairement avant de la relâcher.

Al-Hathloul a été arrêtée en mai 2018 et faisait partie des figures de proue de la campagne pour le droit des femmes à conduire. Elle s’est exprimée ouvertement sur les tortures qu’elle a subies et a entamé une grève de la faim en octobre 2020 pour protester contre ses conditions de détention. En novembre 2020, le tribunal pénal a transféré son affaire au tribunal pénal spécialisé, qui a condamné al-Hathloul pour des délits liés au terrorisme en décembre 2020.

Absence d’enquête sur les allégations de torture

En novembre 2018, des organisations de défense des droits humains ont signalé que des agents du gouvernement saoudien avaient torturé au moins quatre détenues en utilisant des tactiques telles que les chocs électriques, les fouets et les agressions sexuelles. Certaines femmes détenues ont été placées en isolement prolongé. Cependant, malgré ces violations flagrantes des droits humains de ces femmes, le gouvernement saoudien n’a pas mené d’enquêtes crédibles et efficaces sur ces allégations de torture et de mauvais traitements.

Avant sa condamnation, al-Hathloul, ainsi que trois autres femmes, a été placée à l’isolement où elle a subi des abus et des tortures, notamment des agressions sexuelles, des flagellations et des chocs électriques. Pendant cette période, elle s’est vu proposer un accord qui lui accorderait la liberté en échange de son déni des tortures subies. Al-Hathloul a rejeté cette offre et a été condamnée à cinq ans de prison.

Plaidoirie internationale

La communauté internationale a demandé à plusieurs reprises la libération des défenseuses des droits des femmes en Arabie saoudite. En août 2018, la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeeland a appelé à la libération de Badawi et d’autres militantes des droits humains. L’Arabie saoudite a réagi en expulsant l’ambassadeur canadien, en suspendant tous les nouveaux accords commerciaux bilatéraux, en annulant les vols des compagnies aériennes vers le Canada, et en retirant les étudiants saoudiens des universités canadiennes.

Le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) s’est engagé à plusieurs reprises auprès des représentants du gouvernement saoudien. Le Comité a demandé instamment la libération de al-Hathloul et de toutes les femmes défenseuses des droits humains, et a exprimé sa profonde inquiétude quant aux conditions de détention d’al-Hathloul. Le secrétaire général des Nations unis a également soulevé le cas d’al-Hathloul et de Badawi dans ses rapports annuels sur la coopération avec les Nations Unies.

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a demandé à plusieurs reprises la libération des défenseuses des droits des femmes depuis leur arrestation initiale en mi-2018. Au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, plus de 40 États du monde entier ont demandé à plusieurs reprises à l’Arabie saoudite de libérer immédiatement toutes les personnes détenues pour avoir exercé leur droits fondamentaux, en particulier les défenseuses des droits des femmes.

Conclusion et recommandations

En tant que membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, il est impératif que l’Arabie saoudite soit soumise à des normes élevées en ce qui concerne son engagement en faveur des droits humains. L’incarcération de militants, en particulier ceux qui défendent les droits humains, est profondément préoccupante. Malgré des mesures superficielles prises pour améliorer les droits des femmes, ces mesures n’ont pas de sens si le gouvernement saoudien continue d’ intensifier sa répression contre les défenseurs et des militants des droits humains.

Par conséquent, ADHRB exhorte le gouvernement d’Arabe saoudite à:

  • Abandonner immédiatement toutes les charges contre les défenseuses des droits des femmes ciblées pour leur militantisme;
  • Libérez toutes les défenseuses des droits des femmes emprisonnées;
  • Libérer tous les défenseurs des droits humains et les prisonniers politiques actuellement détenus et abandonner toutes les charges retenues contre eux,
  • Abolir le système de tutelle masculine dans son intégralité