Répression, brutalité, impunité : Un aperçu des défenseurs des droits humains en Arabie saoudite

Depuis des années, le Royaume d’Arabie saoudite accentue sa répression à l’encontre des défenseurs des droits humains. Afin de réduire les dissidents au silence, les autorités gouvernementales interrogent, détiennent et emprisonnent arbitrairement les défenseurs des droits humains en vertu de la loi antiterroriste et de la loi anti-cybercriminalité pour leurs activités pacifiques et leur travail en faveur des droits humains. Dans un pays où la liberté d’expression, de réunion et d’opinion n’est pas tolérée, le gouvernement saoudien soumet systématiquement les défenseurs des droits humains au harcèlement et aux représailles, qu’ils se trouvent en Arabie saoudite ou à l’étranger. Considérés comme des ennemis de l’État par le régime, à la fin de 2020, tous les défenseurs des droits humains saoudiens étaient soit en détention sans inculpation, soit en procès, soit en train de purger leur peine de prison.

Un modèle de répression généralisé et systématique

La répression contre les défenseurs des droits humains est généralisée et suit un modèle similaire. Les défenseurs des droits humains sont réprimés par des détentions, des arrestations et des emprisonnements, et leurs droits fondamentaux sont violés à tous les stades de la procédure judiciaire. Souvent détenus au secret, ils sont torturés pendant les interrogatoires ou en détention. Par exemple, Loujain al-Hathoul, militante des droits des femmes, a été détenue en secret pendant trois mois et a été soumise à des actes de torture physique et psychologique tels que des coups et des décharges électriques. Elle a également subi des agressions sexuelles et a été menacée de viol. En outre, Dawood al-Marhoon et Abdullah al-Zaher ont été détenus en secret sans avoir accès à un avocat. Tous deux ont été arrêtés en 2012 sans mandat – alors qu’ils étaient encore mineurs – pour leur participation à une manifestation. Ils ont été torturés en détention et contraints de signer des aveux sans en connaître le contenu. Les aveux forcés sont une pratique courante en Arabie saoudite, et les tribunaux s’appuient le plus souvent sur des aveux obtenus sous la torture pour prononcer des sentences. Au-delà de la torture et des mauvais traitements, le système judiciaire saoudien ne respecte pas les droits à un procès équitable et à une procédure régulière, deux droits fondamentaux prévus par le cadre international des droits humains.

Les peines prononcées par les tribunaux à l’encontre des défenseurs des droits humains sont excessives, violentes (par exemple, peine de mort, emprisonnement à vie ou coups de fouet) et injustes. Le gouvernement utilise le Tribunal pénal spécialisé pour poursuivre et réduire au silence les dissidents. Il abuse de la loi antiterroriste et de la loi anti-cybercriminalité pour poursuivre les défenseurs des droits humains dans des procès injustes et illégaux. Par exemple, les défenseurs des droits humains, Raif Badawi, Waleed Abu Al-Khair et Mohammad Al-Qahtani ont été arrêtés, détenus, puis poursuivis en vertu de la loi antiterroriste, tandis que Loujain Al-Hathloul et Samar Badawi ont été arrêtés, détenus, puis poursuivis en vertu de la loi anti-cybercriminalité. Le gouvernement a recours à la détention et aux poursuites systématiques et massives des défenseurs des droits humains.

En juin 2020, 14 partisans du mouvement de défense des droits des femmes détenus depuis 2019 ont été inculpés au titre de la loi anti-cybercriminalité et/ou de la loi antiterroriste. Par ailleurs, les membres fondateurs (Essa Al-Hamid, Abdulrahman Al-Hamid, Abdullah al-Hamid) de l’Association saoudienne pour les droits civils et politiques (ACPRA) avaient tous été poursuivis en 2016. Le 14 avril 2020, l’un des membres fondateurs, Abdullah al-Hamid, est mort en prison. Il est rapporté qu’il est mort à cause d’une négligence médicale et d’un retard dans son opération cardiaque. En outre, il lui avait été interdit de discuter de son état de santé avec sa famille.

Conditions de détention dans les prisons saoudiennes

Les conditions de détention dans les prisons saoudiennes, notamment en ce qui concerne le traitement des défenseurs des droits humains, sont insalubres et non hygiéniques, les soins et traitements médicaux font souvent défaut, ce qui met la vie des prisonniers en danger. De nombreux prisonniers ont déclaré avoir été maltraités et torturés par des agents pénitentiaires. Par exemple, Raif Badawi, un militant condamné à dix ans et 1000 coups de fouet en 2014 pour avoir utilisé une plateforme en ligne pour appeler à la liberté de religion et de croyance, a été soumis à l’isolement et s’est vu refuser tout traitement médical et tout contact avec sa famille. Le 17 septembre 2019, il a mené une grève de la faim pour contester les mauvais traitements, les conditions de détention horribles et la confiscation de ses livres. Il a mis fin à sa grève de la faim le 21 septembre 2019 à la suite d’une visite de la Commission saoudienne des droits de l’homme.

Raif Badawi n’a pas été le seul à effectuer une grève de la faim pour protester contre les conditions de détention. Le 6 mars 2021, les défenseurs des droits humains Mohammad Al-Qahtani, Fawzan Al-Harbi et Issa Al-Nukhaifi, ainsi que 27 autres prisonniers, ont entamé une grève de la faim pour dénoncer les conditions humiliantes et les mauvais traitements qu’ils subissent à la prison d’Al-Ha’ir. Ils ont notamment protesté contre l’absence de livres, le refus de tout contact avec leur famille et le fait d’être détenus avec des personnes atteintes de maladie mentale qui les auraient menacés de mort. Al-Qahtani et Al-Harbi ont été condamnés respectivement en mars 2013 et en novembre 2014 à 10 ans de prison, suivis d’une interdiction de voyager pendant 10 ans à leur libération. Al-Nukhaifi a été condamné en février 2018 à six ans de prison et à une interdiction de voyager pendant six ans également. Le Département d’État américain fait valoir que le fait de détenir des défenseurs des droits humains dans les mêmes cellules que des personnes souffrant d’une maladie mentale constitue une forme de punition. Ils ont finalement mis fin à leur grève de la faim le 13 mars 2021, lorsque les autorités saoudiennes ont promis qu’elles répondraient à leurs demandes.

Le COVID-19 dans les prisons

Récemment, Mohammad al-Qahtani, membre fondateur d’ACPRA, a également été détenu en secret après avoir été testé positif au COVID-19 alors qu’il purgeait sa peine à la prison d’Al Ha’ir. Après avoir été testé positif, il n’a pas pu contacter sa famille pour lui faire part de son état de santé et il a été emmené dans un centre d’isolement. Depuis l’apparition du COVID-19, les autorités pénitentiaires refusent de prodiguer des soins médicaux aux prisonniers infectés par le virus et violent encore davantage leurs droits humains fondamentaux, comme le fait de ne pas pouvoir contacter leurs proches ou d’être placés en isolement. Concernant la propagation du COVID-19 en prison, les autorités gouvernementales ont négligé les soins médicaux et les traitements. En effet, elles n’ont mis en place aucune procédure médicale appropriée pour arrêter la propagation du virus, et elles n’ont pas mis en œuvre un protocole de traitement pour prendre en charge correctement les prisonniers infectés.

Ciblage des familles

En outre, afin de réduire au silence les défenseurs des droits humains, le gouvernement d’Arabie saoudite n’hésite pas à cibler leurs familles et/ou leurs proches en guise de représailles contre eux. Par exemple, le 12 mai 2020, des agents de sécurité ont fait une descente au domicile du frère de Saad Al Jabri et l’ont détenu sans motif. De plus, le 24 août 2020, le gendre de Saad Al Jabri a été arrêté non seulement en représailles contre lui, mais aussi pour intimider Saad Al Jabri afin qu’il dépose une plainte contre le gouvernement saoudien.

Un autre exemple est le cas d’Ali Al-Nimr, le neveu de l’éminent religieux chiite Cheikh Nimr Baqir al-Nimr qui a été exécuté par le gouvernement saoudien en 2016. Ali Al-Nimr a été arrêté sans mandat en février 2012 pour sa participation à une manifestation pacifique mais aussi en représailles contre son oncle, le cheikh al-Nimr. En outre, il a été détenu au secret pendant trois mois, torturé et contraint de signer des aveux qui ont ensuite été utilisés au tribunal pour le poursuivre. Le 27 mai 2014, Ali a été condamné à mort à l’issue d’un procès inéquitable et illégal.

Ennemis éternels de l’État

Même après avoir été libérés de prison, les défenseurs des droits humains continuent d’être considérés par le régime comme des ennemis de l’État. À leur libération, leurs libertés de mouvement et d’expression sont fortement limitées afin d’entraver la reprise de leur travail et de leur activisme en faveur des droits humains. Après leur libération, une interdiction de voyager (le plus souvent de la même durée que leur peine) leur est imposée dans le but de les empêcher de s’engager auprès des institutions internationales de défense des droits humains, telles que les Nations unies

Par exemple, l’avocat Waleed Abu Al-Khair a reçu une interdiction de voyager de 15 ans après avoir été condamné par le tribunal pénal spécialisé à 15 ans de prison pour avoir dénoncé pacifiquement des atteintes aux droits humains sur les médias sociaux. En outre, lorsque Loujain al-Hathloul a été libérée le 10 février 2021, elle a également été interdite de voyager à l’étranger pendant quatre ans et a reçu en même temps une interdiction de communiquer avec les médias.

Le gouvernement impose des interdictions de voyage et de médias pour garder le contrôle des défenseurs des droits humains, qui sont en outre soumis à une surveillance en ligne. Chacun de leurs mouvements est surveillé par la présidence de la sécurité de l’État et ils ne sont pas autorisés à exprimer librement leurs opinions sur Internet ou en dehors. Par exemple, Loujain al-Hathloul a été libérée avec trois ans de probation, ce qui signifie qu’elle peut être arrêtée pour toute action que le gouvernement saoudien juge illégale. Ainsi, les défenseurs des droits humains sont libérés sous condition et ne peuvent être qualifiés de libres. Ces stratégies gouvernementales de surveillance et de restrictions permettent au gouvernement de garder un œil sur les défenseurs des droits humains afin de les réduire au silence.

Conclusion : Un royaume de répression, d’abus et d’impunité

En conclusion, la répression des défenseurs des droits humains par le gouvernement saoudien est généralisée et systématique. Elle ne respecte pas le droit international des droits de l’homme, puisque le gouvernement saoudien soutient et même encourage la torture des défenseurs des droits humains. En effet, l’impunité prévaut et les défenseurs des droits humains continuent d’être maltraités et torturés lors des interrogatoires et des détentions. Leurs droits à un procès équitable, à une représentation légale et à une procédure régulière sont niés par le gouvernement. Par conséquent, les défenseurs des droits humains purgent des peines longues et excessives allant de plusieurs années d’emprisonnement à la peine de mort. Une fois leur peine terminée, les défenseurs des droits humains sont libérés sous condition et peuvent être immédiatement réincarcérés s’ils osent défier les conditions imposées par les autorités saoudiennes.